Si l'on en croit l'illustration de pochette, Eric Clapton a recouvré, sinon la forme, tout du moins le sens de la paillardise. Si l'on en croit la musique qu'il fait entendre, il a retrouvé un jeu de guitare plus léger que son humour. Fidèle à son album du retour chez les vivants ("461 Ocean Boulevard" - 1974 -, ou la sanction de la fin de l'addiction aux drogues dures), celui qui a eu à gérer le surnom de God, octroyé par des fans légèrement exaltés, a conservé le line-up initial du groupe des retrouvailles avec l'inspiration, puisque seul le batteur Al Jackson Jr. ne s'aligne pas sur la ligne de départ d'une longue tournée, dont "E.C. Was Here" constitue le point d'orgue. Pour le reste, George Terry assume avec une constante humilité (il en faut face à pareil soliste) la seconde guitare, le bassiste Carl Radle et le batteur Jamie Oldaker proposent une section rythmique efficace sans brutalité, et le claviériste Dick Sims déroule quelques intéressants contrepoints aux phrases de son leader. Quant à Yvonne Elliman, son chant enrichit notablement les capacités - limitées en la matière - du patron. La fête (fortement marquée du sceau du blues), débute donc pat le "Have You Ever Loved A Woman" de Billy Myles, qui fit les beaux jours de Derek and the Dominos. Un peu plus loin, c'est le "Driftin' Blues" de Charles Brown, ou un emprunt au répertoire de Robert Johnson ("Rambling On My Mind") qui permettent au leader de s'illustrer, par un jeu toujours aussi limpide et distingué. Après tout, Clapton reste le blanc capable du plus d'émotion avec un minimum de notes sur un manche, comme un parangon de l'économie expressionniste. On pourra se déclarer surpris de retrouver également ici deux sélections en droite ligne de l'aventure éphémère de Blind Faith : "Presence Of The Lord", de la main de Clapton, reste le chant liturgique le plus émouvant jamais composé par l'Anglais. Quant à "Can't Find My Way Home", la chanson rejoint absolument les plus belles mélodies jamais signées par Steve Winwood. Un album comme un bulletin de santé positif, et comme une fête entre amis, "E.C. Was Here" eut un parcours flatteur aux États-Unis (vingtième position dans les classements de vente), et, s'il fut boudé par le marché européen, jouît d'un succès incontestable en France.